Au risque de vous sembler un tantinet rétrograde, j’admets qu’il est agréable de repenser aux bons moments du passé. Et à Châteaulin, nous avons vécu de très très bons moments. De ces instants quasiment magiques qui restent gravés à jamais dans le fond d’une mémoire. Dimanche, j’ai eu le plaisir de vivre les Boucles de l’Aulne en famille. Pour une fois, j’ai entendu la formule des plus rares : «allez, on va au vélo avec Papa.» Sur la route vers celle que l’on surnomme la Suisse Bretonne, je n’ai eu de cesse de raconter mes grandes heures châteaulinoises. En scène
Grosse sensation de mon petit public quand j’ai annoncé que les écoles étaient fermées pour cause de course cycliste ! Idem pour les entreprises qui accordaient un jour de repos aux salariés. Belle réaction de surprise quand j’ai précisé que tous les grands champions dont Bernard Hinault se déplaçaient sur le Circuit de l’Aulne. Quelle fierté de les voir la veille sur les routes du championnat du Monde tout en sachant qu’ils en baveraient le lendemain en Finistère et qu’on pourrait presque les toucher.
En si bon chemin, il s’agissait dès lors de ne plus lâcher son public. J’abattais mes plus belles cartes ! Splendide réaction quand j’ai raconté l’histoire des dossards : une légende familiale hélas véridique. Pendant quelques années, le grand-père, commissaire au VSQ, récupéra à Châteaulin les dossards des coureurs et les fit signer par les champions. Il se monta ainsi une belle collection, au fil des ans. Un jour, Mémé Germaine découvrit dans la cave ce sac de tissus gribouillés et se mit en tête de les laver. Quelques centaines de tours plus tard, les carrés de toile sortirent de la machine : lessivés, nets, blancs... au grand dam de Pépé René qui, lui aussi blanc et lessivé, nous raconta ensuite cette triste histoire à chaque réveillon !
Bien évidemment, il y a le aussi le côté «off» que je n’ai pas forcément détaillé... L’aspect «grosse fiesta» de la virée à Châteaulin : toutes les familles du centre Bretagne possèdent quelques redoutables anecdotes liées au Circuit de l’Aulne. C’est par exemple un oncle, un cousin ou un frère qui, faute de vigilance-buvette, ne vit jamais les derniers tours de la course. Et pas toujours les premiers... En fin de journée, on récupérait l’imprudent dans un talus ou un fossé : on lui remettait le chapeau en papier des maisons de l’avenir ou de la Meuse sur la tête et «d’ar gêr» avec son coup de soleil. Quand ce sportif demandait qui avait gagné la course, toujours la même réponse : Louison Bobet, même dans les années 80 !
Meilleure preuve de la grande qualité de ces souvenirs, la météo. Vous avez certainement remarqué que quand on repense au lundi de Châteaulin, il fait toujours grand soleil. Et ces odeurs qui remontent... Celles de la barbe-à-papa, de la merguez et de la fin de la moisson. Celle du neuf aussi : forcément, un jour de Circuit de l’Aulne, le paternel sortait ses billets devant le stand de Marca. Quelle fierté de porter la casquette d’un Bernard Hinault, d’un Ronan Pensec ou d’un Daniel Willems (mais non, pour le Belge, je plaisante et seuls les passionnés comprendront !).
Enorme réaction enthousiaste de mes garçons quand j’ai raconté mes remontées de cassettes FR3 vers Brest : sirènes hurlantes, deux motards de la gendarmerie qui ouvraient la route au coeur d’un public énorme. Avec un petit sourire en coin, mon aîné a tout de même placé un tacle à la limite du régulier avec une remarque assassine du type «pour une fois que les motards sont devant toi...»
Mais dimanche, arrivé sur place via Stang ar Garront, j’ai dû affronter la grogne de mon public désabusé puis goguenard. Il faut bien admettre que la foule n’était pas au rendez-vous sur cette partie du circuit. J’ai repris l’avantage au passage du peloton, une moitié de marmaille ayant reconnu Thomas Voeckler dans le groupe de tête. J’ai définitivement remporté la mise en arrivant sur la ligne d’arrivée : les nombreux spectateurs et la célèbre gouaille de Daniel Mangeas m’ont permis de prouver à mes jeunes compagnons que je n’avais pas exagéré et que mes histoires étaient souvenirs et non mensonges. Le cornet de glace chocolat pistache dégusté au bord du canal m’a permis de m’attirer les bonnes grâces du dernier jeune indécis : pour lui et ses frères, Châteaulin restera désormais un bon souvenir.
Par contre, Bobet n’a pas gagné ! Et y’a plus de chapeaux de la Meuse.
Gurvan Musset
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