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Un matin d’avril 1983, Pascal Campion trouva une lettre dans sa boîte. Le coureur brestois qui portait alors les couleurs de l’ACBB depuis la saison précédente, s’était senti le besoin de venir se ressourcer en pointe de Bretagne chez ses parents. Le début de saison était déjà loin, entamé dès le début du mois de février sur la côte d’Azur et une victoire en passant à Sainte-Maxime, puis une participation à plusieurs classiques parisiennes dont il fut l’un des principaux animateurs.
Il ouvrit le courrier. « Je n’ai pas conservé cette lettre, mais je m’en rappelle encore du contenu », explique 34 ans après l’ancien champion de France de l’individuelle. Le verbe était poli, mais sans ambiguïté. « Si vous préférez rester courir en Bretagne, libre à vous, mais dans ce cas, veuillez nous retourner le vélo, le maillot et le cuissard» et c'était signé Paul Wiégant. Après trois semaines dans le Finistère et une victoire à Pouldreuzic, le Brestois comprit qu’il était temps de reprendre la RN 12 au volant de sa 4L, direction la capitale. Bien évidemment, il n’était pas question de restituer à son directeur sportif, ni son vélo, ni sa tenue de coureur, mais de réintégrer l’escadrille grise et orange dès la classique Paris-Mantes afin de glaner sa sélection pour Paris-Roubaix amateur, programmé début mai. Pascal Campion animera l’épreuve préparatoire aux pavés du nord, explosera dans la roue du vainqueur Philippe Bouvatier, mais le Brestois finira 6e et décrochera ainsi sa sélection.
Quelques jours plus tard, Mickey Wiégant, remonté du sud où il séjournait désormais, s’enquit au service-course du club des coureurs listés par Claude Escalon (directeur sportif adjoint) pour la reine des classiques. Surpris de voir le nom du Brestois coché parmi les engagés, Le patron s’adressa alors à Pascal : « Mais, vous n’êtes pas fait pour Paris-Roubaix, vous n’avez pas le gabarit ! ».
Le Breton fut un peu piqué au vif : « Je ne sais pas ce qu’il voulait vraiment dire. Il recherchait peut-être des gabarits à la Moser ? », s’interroge encore l’ancien coureur breton. Au final, il prit la troisième place à Roubaix derrière le Belge Frank Verleyen et Bruno Wojtinek. « A partir de ce jour-là, Mickey Wiégant et moi nous sommes devenus les meilleurs amis du monde », explique le coureur qui terminera encore troisième de cette même épreuve en 1986 après ses deux années passées chez les pros. Preuve qu’il était « taillé » pour cette course. Mickey Wiégant en fin psychologue avait su trouver les mots adéquats, pas forcément très gentils, pour titiller son coureur et décupler ainsi sa motivation.
Le Brestois gagnera en cette année 1983 Paris-Orléans et en fin de saison Paris-Fécamp devant un autre Breton Jean-Louis Conan. Deux classiques au compteur, Mickey Wiégant pouvait être satisfait de son « poulain » breton. De plus, le club savait se montrer reconnaissant pour qui décrochait une classique : « Nous avions une prime de victoire de 5 000 francs (758 €). C’était vraiment énorme pour l’époque », se souvient Pascal, obtenant ainsi son passeport pro pour l’équipe La Redoute-Motobécane dès l’année suivante, à 22 ans. Un parcours sans faute où trois personnes en plus du directeur sportif parisien ont joué un rôle prépondérant.
Pascal avec son coéquipier Bernard Chesneau sur le podium de Paris-Ezy. Au centre Gérard Leroy, le président de L’ACBB. (Collection Pascal Campion)
Tout commence en 1973. A Brest, tous les gamins se focalisent sur l’évènement de l’été, Les courses de trottinettes. Les prix remis au vainqueur font saliver plus d’un : un vélo de course Motobécane rouge pour le premier et un vélo demi-course jaune avec des roues 650 pour le meilleur grimpeur. Le jeune Pascal Campion ne fait pas dans le détail et remporte les deux trophées. Accompagné de son frère qui peut désormais, grâce aux exploits sur trottinettes de Pascal, jouir d’un vélo rutilant, le jeune Campion apprécie se balader sur les routes nord-finistériennes, jusqu’à l’incident.
L’aventure de coureur cycliste de Pascal Campion débute en 1973 dans les courses de trottinettes de Brest où il gagne deux vélos.
Photo de familles avec les deux « trophées ». (Collection Pascal Campion)
Un boyau qui crève : « Nous étions là au bord de la route, nous ne savions pas comment changer un boyau », se rappelle Pascal. Le salut viendra de deux cyclos qui s’arrêtent aider les deux enfants. Le boyau de rechange en place, l’un deux, formateur dans l’âme, préconise alors aux frères Campion de ne pas essayer de les suivre : « A votre âge, il ne faut pas trop forcer ». Mais rapidement les frères Campion bouchent le trou et reviennent dans les roues de leurs « sauveurs » dont l’un d’eux n’est autre que Michel Cann, animateur de courses bien connu et dirigeant de l’AC Brestoise. Celui-ci garde un œil sur le plus jeune jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de signer sa première licence en minime en 1976. Première course en mars à La Roche-Maurice, première victoire, dernière course de la saison en septembre sur le Cours d’Ajot à Brest, 13e victoire.
Une autre personne a bien repéré les dispositions du jeune Campion, il s’agit de Michel Menthéour, dont le fils Pierre-Henri fait la pluie et le beau temps dans les pelotons de cadets : « Michel a été un excellent conseiller et m’a orienté vers la piste. C’est la meilleure école », constate encore aujourd’hui Pascal qui signe alors au VC Brestois et gagne une dizaine de victoires sur route, jusqu’au coup d’arrêt. Les médecins lui diagnostiquent un cœur trop développé et lui interdisent la pratique du vélo : « Je n’ai pas couru en cadet 2. Je suis allé consulter le Docteur Bertrand Riou à Nantes qui m’a donné son feu vert pour reprendre. C’est au cours de cette année sans compétition que j’ai vraiment su que j’aimais le vélo. Les courses me manquaient tellement ».
Pascal sous le maillot de l’équipe de France au trophée de Grimpeurs à Chanteloup. (Collection Pascal Campion)
L’adolescent brestois revient dans les pelotons chez les juniors avec un appétit aiguisé par cette année vierge de toute course cycliste. En plus de nombreuses victoires sur route, il excelle sur la piste dans toutes les disciplines sous l’œil avisé d’Ange Roussel, le DTR. Aux championnats de Bretagne, il termine ainsi 2e du kilomètre, 2e de la poursuite et 2e de la course aux points. Pour les championnats de France, il n’a donc que l’embarras du choix. Ange Roussel, en déplacement avec l’équipe de Bretagne seniors sur la Route de France, lui conseille de se contenter de la poursuite olympique et surtout de ne pas s’inscrire à l’individuelle, trop de risques de chute selon le mentor. Le jeune Brestois n’en fait qu’à sa tête : « J’adorais l’individuelle, alors en l’absence d’Ange, j’ai désobéi et je me suis inscris à l’épreuve ». 3e de la poursuite olympique, il remporte l’individuelle.
Un maillot qui a beaucoup compté pour Pascal Campion et précieusement conservé dans la valise des souvenirs. (Albert LE ROUX)
Ce titre de champion de France, va lui ouvrir les portes de l’Insep. La solution rêvée pour ses parents qui se félicitent des résultats sportifs du fiston mais qui se désolent de ses résultats scolaires. De ce côté-là, les choses ne vont pas vraiment s’améliorer, d’autant que le jeune Campion, portant les couleurs de l’équipe Continent Quimper a déjà été repéré par l’ACBB : « A l’Insep, on nous conseillait de faire quelques courses sur route pour le cardio. J’avais animé le Grand Prix du Printemps qui se courait dans le Val d’Oise. Après la course, Claude Escalon est venu me voir et m’a proposé de signer dès la saison suivante à l’ACBB ».
Les études furent mises entre parenthèses, « avec l’accord des parents », précise l’ancien coursier. La trajectoire allait ensuite être rectiligne vers le professionnalisme. « Ce que j’appréciais le plus à l’ACBB, c’était vraiment l’esprit club, l’esprit d’équipe, la sincérité et la fidélité des dirigeants. Plus tard, lorsque je me suis investi dans l’organisation du Tro Bro Leon aux côtés de Jean-Paul Mellouet, j’ai repris contact avec le club pour qu’il envoie une équipe sur la course lorsqu’elle était encore amateure. Ils acceptèrent tout de suite et Yann Kirsipuu la gagna…», poursuit Pascal.
Comme tous les coureurs régionaux en quête d’un contrat pro, le passage à l’ACBB fut bref pour le Brestois, mais suffisant pour apprécier ses dirigeants à leur juste valeur. « Je retiendrais la discrétion du président Gérard Leroy mais qui veillait sur tout et la relation de confiance que j’avais tissé avec Mickey Wiégant. J’ai même passé mon voyage de noce chez lui aux Issambres ».
Albert LE ROUX
La carrière professionnelle de Pascal Campion ne dura que deux ans, le temps de son contrat chez La Redoute-Motobécane pendant les années 1984 et 1985. « J’ai été le plus jeune ex-pro du peloton », constate Pascal redevenu amateur dès l’âge de 24 ans. « Pour réussir chez les pros, il faut penser au vélo à 100 %. A la fin de ma première saison, j’avais commencé à investir dans l’immobilier, ce qui m’a perturbé dans ma préparation hivernale. C’est peut-être cela qui m’a empêché de faire une deuxième bonne saison ».
Pascal Campion en compagnie de Bernard Hinault. (Collection Pascal Campion)
Pourtant tout avait bien commencé par un Tour d’Armor remporté dès sa première année chez les professionnels. Ceux sont ses coéquipiers belges qui réussirent à trouver le moyen de motiver le néo-pro. Le départ de cette édition était donné de Brest. « Quoi ? tu es natif d’ici et tu n’as même pas un article dans la presse locale ? », s’insurgea Jean-Luc Vandenbroucke. Il n’en fallait pas plus pour motiver le jeune Campion qui, aidé par toute son équipe, remporta l’épreuve (son coéquipier Christian Levavasseur prenait la deuxième place). C’est également lors de cette course qu’il fit vraiment connaissance avec Bernard Hinault dans l’étape Lamballe – St Grégoire. « Je suis allé lui disputer le prix des grimpeurs au haut de la côte de Plancoët. Il a mis une mine ensuite et roulé à bloc. Il était 200 m devant nous et toute mon équipe roulait à fond. On a mis 40 bornes à boucher le trou ».
Des débuts professionnels prometteurs avec une victoire au Tour d’Armor 1984.
Pascal, ici dans la rue de Siam à Brest avec sa plus fidèle supportrice, sa maman (Collection Pascal Campion)
Revenu chez les amateurs en 1986, Pascal Campion signe à l’AC Brest-Plougonvelin, pour trois nouvelles saisons avec à son actif une nouvelle troisième place dans la classique Paris-Roubaix 1986, une deuxième place au Ruban Granitier Breton cette même année. Des années mises à profit également pour préparer la reconversion professionnelle. En 1988 Pascal repart courir aux Etats-Unis (il avait déjà couru plusieurs courses outre-Atlantique lors de son passage chez les pros) dans une équipe internationale IME constituée par un coureur de chaque nationalité.
Chez Aquaself, l’entreprise de Pascal Campion, on parle beaucoup boulot, mais aussi vélo. Deux de ses collaborateurs, Julien Lamour (1ère cat. EC Landerneau) et Florian Ulvoas (3ème cat VS Plabennec) sont bien connus dans les pelotons et tout le monde supporte l’équipe Fortuneo-Vital Concept. (Photo Pascal Campion)
En plus de ses victoires à la Niagara Classics et la Classique de Montréal, le coureur brestois revient en Bretagne avec l’idée de sa reconversion. Les foyers américains utilisent pour la plupart un équipement de filtrage de l’eau du robinet qui permet d’éviter l’achat d’eau minérale en bouteille plastique. De retour en pointe de Bretagne, le coureur raccroche définitivement la compétition et créé son entreprise Aquaself, spécialisée dans les systèmes de purification de l’eau alimentaire, de récupération d’eau de pluie, etc…. Aujourd’hui l’entreprise emploie dix personnes et n’hésite pas à recruter dans le peloton régional pour choisir ses collaborateurs.
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