La saison 2023 s’annonçait prometteuse. Ses leaders de 2022 au Dinan Sport Cycling, Johan Le Bon et Maxime Cam mettaient la pédale douce pour cause de reconversion. Quant à Clément Alléno, il prenait le chemin de l’Espagne pour passer professionnel. Samuel Le Page tout en poursuivant son apprentissage, (il n’entame alors que sa troisième vraie saison sur route) ambitionnait de trouver l’ouverture et connaître enfin les joies de la victoire. Car le Plougastel cultive un paradoxe peu commun dans le peloton des N1, peut-être même unique, celui de n’avoir jamais franchi une ligne d’arrivée en levant les bras au ciel, pour cause d’une découverte tardive du vélo.
« Je me suis dit ce jour-là que j’arrêtais le vélo. »
Février 2023 donc, le coureur du Dinan Sport Cycling prend le départ des Plages Vendéennes. Ça commence mal ! Première chute, premier arrêt. Néanmoins, il reprend rapidement l’entrainement avec pour objectif le Tour du Pays de Lesneven et de la Côte des Légendes, prévu le 1er week-end d’avril. Nouvelle chute lors de la première journée. Le temps de consulter un ostéopathe le lundi soir pour une jambe qui le fait souffrir, il est sur le vélo dès le mardi. Tout semble rouler, le vélo comme le bonhomme…jusqu’au retour de sa sortie. Sur le pont de Plougastel-Daoulas à quelques kilomètres de son domicile, il s’écroule, victime d’un malaise. Apparemment au TPLCL, il n’y avait pas que la jambe qui avait été touchée.
Motivation intacte
« Je me suis dit ce jour-là que j’arrêtais le vélo », se rappelle-t-il. Les différents examens réalisés à l’hôpital ne détectent pourtant aucune anomalie. Il faut simplement s’armer de patience, le temps que les plaies se referment. Rassuré par les médecins, Samuel chasse rapidement ses idées noires. Motivation intacte, il part même pour Gerone en Espagne en stage d’entrainement.
Mi-mai, sur les routes de l’Essor Breton, il a repris son rôle d’équipier auprès de Damien Poisson, le plus remuant du team de Dinan, vainqueur notamment de la dernière étape. Même s’il abandonne dans l’ultime étape, le gars de Plougastel a retrouvé le coup de pédale. Il a noté dans un coin de sa tête une échéance à la mi-juin, la SportBreizh, ses routes qu’il parcourt à l’entrainement, l’arrivée de la deuxième étape à deux kilomètres de la maison, en plein bourg de Plougastel. Pourtant à quinze jours de ce rendez-vous local, la guigne persiste et signe une nouvelle chute sur le Tour de la Vallée de Montluçon, près de Clermont-Ferrand. Cette fois-ci, c’est le genou gauche qui « morfle », les ligaments ont pris un coup. La convalescence sera longue. « J’ai marché avec des béquilles pendant un mois et demi. Je n’ai repris le vélo qu’en fin de saison au Grand prix de Plouay ».
Des débuts en junior 2
Une saison à oublier au plus vite. Pas totalement cependant. Ses longs moments d’inactivité lui ont donné le temps de réfléchir à son avenir sur un vélo, lui qui s’était laissé porter jusque-là par ses dispositions naturelles pour ce sport.
Retour cinq ans en arrière. Après avoir découvert le VTT sur les sentiers de Plougastel-Daoulas, le jeune Samuel a vraiment envie de goûter à la route. Au début 2020, Il prend alors une licence de junior 2 au Saint-Renan Iroise Club. La saison ne débute que l’été pour cause de confinement Covid. Il prend néanmoins le départ d’une poignée de courses. L’allure du peloton ne l’impressionne pas. Il suit et dès que la route s’élève, il se retrouve aux avant-postes. C’est le cas sur le difficile circuit du Huelgoat où les dirigeants de UC Pays de Morlaix, qui veulent monter une N3, le découvrent.
« Je crois que j’ai couru un peu comme un bourrin. Lorsque je partais à l’entrainement, je faisais toujours beaucoup plus qu’il le fallait. »
La première vraie saison sur route de Samuel Le Page débute ainsi en 2021. Il se retrouve dans le grand bain des classiques bretonnes. Il enchaine sur le TPLCL, puis la Sportbreizh. En fin de saison il prend une troisième place au Grand Prix de Locminé derrière Jean-Louis Le Ny et Brendan Le Cam et devant Fabien Schmidt et Nicolas David. Sur les conseils de Léo Danès, il décide alors de tenter l’aventure de la N1 en répondant aux sollicitations du team Dinan Sport Cycling. L’année 2022 constituera une saison pleine au plus haut niveau avec 70 jours de course, avant ses malheurs de 2023.
Jef Bonnedec qui fut son DS lors de son arrivée à Dinan a rapidement jaugé les plus et les moins du coureur qu’il résume en une phrase « Samuel a un gros moteur, seulement il a encore des choses à apprendre notamment en tactique de course ». Le Plougastel en est conscient : « Mon grand regret est de ne pas avoir débuté le vélo plus tôt, de ne pas avoir fait mes apprentissages dans les catégories jeunes, même si j’ai beaucoup appris auprès de Johan (Le Bon), Maxime (Cam), Clément (Alléno), Damien (Poisson) ou encore d’Anthony (Rallé). Je crois que j’ai couru un peu comme un bourrin. Lorsque je partais à l’entrainement, je faisais toujours beaucoup plus qu’il le fallait. Pour moi une bonne sortie d’entrainement, c’était lorsque je rentrais mort. Ce n’était sans doute pas la bonne méthode », analyse Samuel aujourd’hui.
Retrouver du plaisir
Samuel Le Page n’a pas encore 21 ans, mais a décidé de changer du tout au tout pour 2024. « Je voulais trouver un projet plus local. Rentrer le dimanche après les courses à Dinan à une ou deux heures du matin, puis conduire encore deux autres heures jusqu’à chez mes parents et être en cours à 8 heures le lundi, ça va un temps », analyse celui qui prépare un bachelor de responsable de développement commercial en alternance, après avoir obtenu son BTS l’an dernier.
Lorsqu’il a entendu qu’une N3 se montait au sein de la structure Sportbreizh, le jeune coureur a tout de suite appelé Gurvan Musset. « J’ai été étonné de son coup de fil. Vu le parcours qu’il avait accompli en deux ans en N1, je ne pensais pas qu’il pouvait être intéressé par notre projet. Nous l’accueillons bien volontiers d’autant plus que notre service course sera localisé à Plougastel-Daoulas, ville qui nous soutient depuis le début et je sens que Samuel est attaché à son territoire », explique Gurvan.
Repartir en N3 ne signifie pas que le Plougastel a remisé ses ambitions. « Après mes désillusions de cette saison, J’ai besoin de retrouver du plaisir. J’espère réussir à vaincre ma frustration de n’avoir jamais gagné une course. Je viens là pour rebondir ». Après il verra…
Albert LE ROUX
(photos Lucas Blonce et Patrick Le Page)
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