Sportbreizh : Quelle est l’origine de ces mouvements Prends ma roue au plan national et Prends ma roue BZH ?
Cyrille Guimard (ci-dessous) : "Il y a un peu plus d’un an, je me suis retrouvé en Limousin pour un hommage à Antoine Blondin. J’ai rencontré Claude Louis, qui a œuvré pendant des années pour le vélo dans le Limousin comme CTR et qui est encore président de l’association des Amis de Raymond Poulidor. Avec d’autres personnes très investies dans le cyclisme, nous sommes arrivés au constat que le cyclisme allait droit dans le mur. Et nous sommes quelques-uns à nous être dits : « il faut essayer de faire bouger les choses ». C’est à partir de là qu’a été créée l’association "Prends ma roue".
Nous ne sommes pas des trublions, nous ne sommes pas des anonymes. Tous les membres sont élus, soit dans des comités régionaux, des comités départementaux ou dans des organismes comme le ROC (Rassemblement des organisateurs de courses amateur) et nous ne sommes pas un groupuscule, contrairement à ce qu’a prétendu le président de la FFC. Déjà, nous avons l’impression que notre initiative a fait bouger les lignes et quel que soit le résultat des élections du 9 janvier, notre organisation perdurera."
Eric Guezo : "Cet été, j’ai sollicité par Cyrille pour préparer une liste Prends ma roue BZH. Je lui ai dit que j’étais prêt pour les élections du comité à condition qu’il soit partant également. A 18 ans, j’ai obtenu mon premier diplôme d’entraineur. J’ai eu des responsabilités sportives dans la Police nationale au sein de laquelle j’ai fait ma carrière professionnelle. Je me suis impliqué dans l’animation du vélodrome de Vannes pendant plus de 20 ans, parallèlement à ma carrière de coureur cycliste FFC et pilote de tandem handisport.
Cyrille, le fond de son engagement dans le cyclisme, c’est aussi de découvrir et faire grandir des talents. D’autres, nous ont rejoints comme Alain Baniel, organisateur du KBE et nouveau président du ROC, Christophe Rebillard et Cédric Le Ny, présidents de clubs, les autres colistiers sont à l'image de Camille Massé encore coureur et au service du cyclisme, des gens qui vivent pour le vélo et non du vélo. J’ai rassemblé toutes ces énergies qui me semblaient positives pour mener à bien un projet."
Pascal Campion : "Depuis 30 ans je suis vice-président du Tro Bro Leon organisation, cela me constituait mon petit bol d’air annuel dans le vélo lorsque j’étais chef d’entreprise. J’ai récemment transmis ma société à mes jeunes vendeurs qui la dynamisent avec des nouveaux projets. Ayant plus de temps, j’ai voulu reprendre une licence de coureur pour voir où en était ma condition physique. C’était très sympa de courir avec les jeunes, mais je me suis rendu compte que c’était difficile de trouver la course, souvent en pleine campagne, et surtout qu’il y avait jusqu’à 10 fois moins de spectateurs que par le passé. Les courses de village vont disparaître si nous ne les rendons pas plus attractives. Lorsque j’ai lu l’article de Bruno Cornillet « Réveillons-nous », je me suis dit qu’il fallait agir et j’ai tout de suite vu que dans l’équipe Prends ma roue Bretagne, tout le monde passerait son relais. Je pense que le comité de Bretagne, comme ma société, a besoin de sang neuf pour se redynamiser !"
Sportbreizh : En 2020, le champion du monde sur route professionnel est français. Sur un plan régional, pour la première fois cette année, deux équipes professionnelles financées par des capitaux bretons ont pris le départ du Tour. Les coureurs amateurs qui ont des bons résultats dans les quatre DN1 bretonnes peuvent y décrocher leur premier contrat pro. On peut donc parler de filière bretonne pour atteindre le haut niveau. Que reprochez-vous donc aux instances nationales et régionales ?
Cyrille Guimard : "La FFC est une fédération sportive de compétition, dont les objectifs fixés par le ministère des sports sont de décrocher des titres européens, mondiaux et olympiques. Elle doit répondre à ces objectifs fixés par le Ministère des Sports et l’Etat qui la financent. Nous avons donc le devoir de « produire » des coureurs de très haut niveau. Prenons la route... Aujourd’hui, les coureurs qui dominent le cyclisme mondial et qui gagnent les grands tours ont moins de 23 ans. Il n’y a pas de coureurs français dans le lot. Nos quatre meilleurs jeunes sont dans leur 25e et 26e année: Cavagna, Gaudu, Madouas et Cosnefroy. Le constat est le même pour la piste et c’est encore plus vrai en cyclo-cross, nous n’avons pas de jeunes coureurs de très haut niveau.
Prenons maintenant la Bretagne. Nous pouvons comparer notre région à un pays comme le Danemark : 4,6 millions d’habitants en Bretagne, 5,7 millions d’habitants au Danemark. 15 000 licenciés en Bretagne, 30 000 licenciés au Danemark et il pleut encore plus au Danemark qu’en Bretagne. Combien de coureurs pro-tour au Danemark : 25 Combien en Bretagne : 6. Cherchez l’erreur !
C’est un échec total de la formation des jeunes.
Et je ne parle pas de la piste où les Danois excellent en ce moment. Nous sommes débordés, dépassés. Il nous faut donc repenser notre produit « cyclisme », revoir tout notre système de formation."
Eric Guezo (ci-dessus) : "La Bretagne n’est malheureusement plus une terre de cyclisme, elle ne demande qu’à le redevenir. Les DN sont obligées d’aller chercher des coureurs étrangers pour compléter leurs effectifs. Concernant les chiffres, on peut leur faire dire tout ce que l’on veut, mais le constat est alarmant. Il y a moins de courses sur route et sur le dernier mandat 1133 licenciés en moins (hors-covid) au niveau du comité. Et c’est chez les juniors que nous perdons le plus de coureurs. Nous avons donc un problème structurel. Ne pas en parler, c’est se mentir."
Sportbreizh : Quel est dès lors votre plan pour rénover le cyclisme français et breton ?
Eric Guezo : "Tous nos colistiers ont appelé les présidents de clubs pour connaître leur opinion. Il ressort de ce sondage un ressentiment de souffrance, notamment sur le plan financier. Nous devons donc inventer un nouveau modèle économique. Nous avons bâti un programme participatif que nous avons nommé « Le sport d’abord ».
La base doit être le club. Viennent ensuite les structures départementales, puis le comité régional. Chaque structure doit avoir son rôle. Un organisateur, une association qui veut monter une course doit pouvoir compter sur des interlocuteurs qui sauront les aider dans toutes les démarches auprès des collectivités locales, des préfectures, etc. Cela est du ressort des comités départementaux qui auront à mettre en place des structures d’appui, de conseil auprès des clubs et des organisateurs. Le Comité de Bretagne ne doit pas vivre uniquement de subventions, de recettes des licenciés et des organisations. Il doit, comme les autres sports, être capable de séduire des partenaires privés et nous avons des belles sociétés en Bretagne. Pour cela, le cyclisme doit être attractif !
Nous voulons également de la transparence, faire un état des lieux des fonds actuels du comité. Il faut aussi se préoccuper du maillage territorial, sauver tous les vélodromes, tous les anneaux cyclistes, pistes de BMX et de VTT sur lesquels les jeunes sont en sécurité et les parents rassurés."
Nous dévoilerons entièrement notre programme dans les prochains jours.
Pascal Campion : "Je reste optimiste. Il y a encore des coureurs, mais nous devons rendre nos courses beaucoup plus ludiques si nous voulons faire revenir du public et attirer des jeunes. Il faut apporter du « fun ». Il faut des belles lignes d’arrivée. C’est Jean-Paul Mellouet qui m’a appris cela. Pourquoi dès lors ne pas avoir des cars podiums et d’autres matériels au sein des comités départementaux qui seraient mis à disposition des organisateurs ? Des appels d’offres au niveau régional ou départemental peuvent être lancés, plutôt que de laisser chaque organisateur se débrouiller seul dans son coin. Nous devons mutualiser nos efforts en créant, pourquoi pas, des « clubs service », des associations de signaleurs.
Cyrille Guimard : "Dans notre fédération, des disciplines comme le VTT et le BMX fonctionnent bien en terme d’organisation. Il nous faut donc recréer de l’envie, donner aux gens du plaisir de venir. Rendons notre sport attractif. C’est en puisant dans le sport de masse que nous pourrons détecter et former des coureurs de très haut niveau. Vingt millions de personnes font du vélo en France, il est anormal que notre fédération ne possède que 50 000 à 60 000 licenciés réellement compétiteurs !"
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