Le palmarès de la reine des classiques attend toujours de voir un coureur norvégien s’inviter au sommet. Il y a près de dix ans, Thor Hushovd a été le viking le plus proche de la consécration (3e en 2009, 2e en 2010). Dans sa quête de succès sur les pavés, le futur champion du monde qui roulait alors sous les couleurs de la formation Cervélo jouait aussi le rôle déclencheur de vocation chez un jeune ado qui vibrait déjà devant son écran de télévision, à quelques milliers de kilomètres : « A l’époque, Thor était la plus grande star du cyclisme en Norvège, précise Sven Erik Bystrom. Je le suivais très attentivement et il est déjà passé tout près de la victoire, spécialement l’année où il est tombé dans le secteur du Carrefour de l’Arbre. Alors dans ce contexte, j’ai toujours trouvé cette course fascinante à suivre, elle est très spéciale ».
Précisément, le jeune élève a tenté dans un premier temps de suivre les traces de son modèle en s’aventurant sur ces terrains instables dès ses années chez les juniors. « Les pavés, c’est vraiment particulier. Je me souviens très bien de la première fois que j’ai roulé dessus. Avec mon club local de Stavanger, nous sommes venus en Belgique pour un stage et pour faire quelques courses. C’était énorme de rouler sur ces secteurs que j’avais vus à la télévision. Nous étions là pour deux semaines, et tous les jours on allait sur le Mur de Grammont ou le Bosberg. J’ai tout de suite trouvé cela excitant, se rappelle Bystrom, qui a rapidement goûté aux frissons et aux aléas de Paris-Roubaix dans sa version juniors. J’en garde un souvenir très précis. Cette année-là Jasper Stuyven avait gagné (2010). Moi je me trouvais dans un groupe juste derrière lui, mais dans le dernier secteur pavé j’ai perdu une pédale. J’ai raté l’occasion d’aller chercher une belle place (39e), mais j’étais quand même séduit ».
Cet aperçu ayant conquis Sven Erik, l’attente a été longue avant de connaître son réel baptême : « Mes premières années chez les pros, je faisais les classiques belges mais je n’étais pas dans l’équipe de Paris-Roubaix, et je me sentais un peu frustré. Mais l’année dernière j’ai enfin été sélectionné. J’ai pu aller dans l’échappée, et j’ai eu la chance d’entrer dans les secteurs les plus célèbres en tête de la course. Ensuite Sagan est revenu sur nous et là c’est devenu très dur de le suivre ».
Dans le team UAE Emirates, Bystrom bénéficie d’un capitaine doublé d’un véritable mentor en la personne d’Alexander Kristoff, qu’il soutenait déjà l’année dernière : « mon rôle c’était de l’aider et c’est avant tout pour cela que j’étais dans l’échappée, avec l’idée de pouvoir l’accompagner lorsqu’il nous rejoindrait. Mais ça ne s’est pas produit puisqu’il est malheureusement tombé. Avec Alexander nous vivons dans la même ville, nous nous entraînons ensemble depuis des années, c’est une relation d’amitié très proche. Et pour lui c’est un rêve de gagner Paris-Roubaix, après avoir déjà gagné Milan - San Remo et le Tour des Flandres. »
Une fois au vélodrome, la 27e place du classement final (2e débutant derrière Wout van Aert, 13e) s’avère satisfaisante mais anecdotique. En revanche, les souvenirs de ses sensations restent intacts chez l’ancien champion du monde espoirs (2014) : « La Trouée d’Arenberg c’est vraiment spectaculaire. Quand on entre dans cette forêt, on est à très grande vitesse, il y a un monde dingue et on ressent bien que les choses sérieuses commencent. Mais le plus difficile, pour moi ça a été le Carrefour de l’Arbre. En plus des pavés, il y a le niveau de fatigue qui rentre en jeu. Et comme j’étais encore dans une position correcte, il fallait vraiment batailler, je ne pouvais pas me permettre de terminer tranquillement ».
Au diapason des spécialistes les plus capés, Bystrom a d’emblée intégré et accepté l’idée de la souffrance sur les pavés de Roubaix : « cette course tient une place à part dans mon cœur. Bien sûr, un jour j’aimerais la gagner, mais d’abord il va falloir beaucoup travailler. C’est un terrain qui me va bien, je me sens bien sur cette course ». Pour la 117e édition, le rouleur norvégien se présentera à Compiègne avec le même type de prérogatives, et la volonté de poursuivre son apprentissage : « je m’attends encore à une course très dure. Nous serons derrière Alexander avec un groupe ambitieux. Il y a par exemple un jeune coureur belge très prometteur pour les classiques, Jasper Philipsen (4e de Paris-Roubaix Espoirs 2018). Il y aura de la bagarre, et il faudra être au rendez-vous ».
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