Cette saison que je consacre entièrement au vélo a commencé par une drôle d’aventure, ma découverte des courses cyclistes sur le continent africain. Un autre monde ! C’est Matthieu Jeannès et Axel Taillandier qui m’ont fourni le tuyau de la Sélection France des clubs de la Fédération de la Défense, qui prend aussi quelques civils. Dès ce mois de décembre, j’ai été retenu pour le Tour du Pays du Fleuve Sénégal dans la région de Saint-Louis, tout au nord du pays, près de la frontière mauritanienne dans des zones déjà désertiques.
Je rejoins l’équipe à l’aéroport de Dakar le samedi 9 décembre et tout de suite je me sens intégré au groupe. Nous sommes six coureurs, Jean-Philippe Tellier, Jérémy Letué, Cédric Travers, Mehdi Lerosey et Eddy Le Roux, Finistérien comme moi. Nos deux accompagnateurs sont François Burtre (DS) et Olivier Goiset. Après quatre heures de route, nous voici à Saint-Louis.
Dimanche 10 décembre : une sortie de deux heures à vélo, histoire de nous habituer au climat. Nous découvrons ensuite Saint-Louis.
Lundi 11 décembre : une bonne sortie d’entrainement sur les routes du désert en attendant la présentation des équipes, prévue le soir. Nous sommes une quarantaine de coureurs dont des sélections nationales du Sénégal, de Guinée Bissau et de Mauritanie. Il y a aussi plusieurs clubs sénégalais, dont le VC Abdoulaye Thiam de Saint-Louis. Nous sommes invités à défiler dans les rues de la ville devant un public bon enfant, curieux et surpris de voir des coureurs cyclistes. Nous traversons le pont Faidherbe construit par Gustave Eiffel. Cette longue présentation nous donne aussi le temps de nous renseigner sur les coureurs à surveiller. On nous a signalé un certain Zouhair Rahil, de nationalité marocaine, qui a signé depuis un mois au VC Saint-Louis.
Mardi 12 décembre : la première étape prévoit 116 km. Nous apprenons juste avant le départ, qu’en fait, nous allons courir deux demi-étapes d’une cinquantaine de bornes chacune.
« Nous n’avions pas prévu qu’un troupeau de zébus se mette au travers de la route ».
Zouhair Rahil porte une attaque, Eddy Le Roux et moi-même le suivons. Nous faisons rapidement le trou et comptons, à une dizaine de kilomètres de l’arrivée trois minutes d’avance sur le peloton. Eddy et moi, nous nous mettons d’accord pour attaquer le coureur marocain l’un après l’autre. Nous n’avons pas encore mis notre plan en route que nous le voyons se mettre à sprinter sur plusieurs centaines de mètres. Nous ne comprenons rien à sa tactique de course jusqu’à ce que nous apercevions une ligne d’arrivée. Celle-ci a été placée six kilomètres plus tôt que prévu. Trop tard pour la gagne, Eddy est deuxième.
Deuxième demi-étape; au tour de nos coéquipiers d’animer la course en se mettant dans les coups. Eddy et moi, nous nous contentons de surveiller le maillot jaune, quitte à s’enterrer avec lui et le peloton. La tactique semble cette fois fonctionner, sauf que, nous n’avons pas prévu qu’un troupeau de zébus se mette au travers de la route, obligeant le peloton à faire une énorme embardée. Eddy se retrouve déporté dans les sables du bas-côté et doit mettre pied à terre. C’est le moment choisi par Zouhair pour attaquer. Tous les coups semblent permis dans ce cyclisme africain ! Il nous faut vraiment nous arracher pendant plusieurs kilomètres pour que tout rentre dans l’ordre. Le peloton se reforme et l’arrivée se joue au sprint. Je prends la roue de Zouhair. Il gagne à nouveau, je finis deuxième.
Mercredi 13 décembre. Nous assistons le matin à une course féminine. Elles ne sont qu’une quinzaine à prendre le départ devant un public tout surpris de voir des femmes sur des vélos. Nous comprenons rapidement que nous vivons un évènement qui fera date dans l’histoire du cyclisme d’Afrique de l’ouest. On nous annonce que c’est la première course féminine organisée au Sénégal !
L’après-midi, nous prenons le départ de la troisième étape. Je décide d’attaquer dès le deuxième kilomètre, je me retrouve devant avec des coureurs locaux. Nous réussissons à prendre 20 à 30 secondes au peloton qui néanmoins nous maintient en point de mire sur les longues lignes droites à travers le désert.
« L'étape est neutralisée pour une énorme chute qui a mis à terre une bonne partie du peloton ».
Au bout d’un moment en me retournant, je n’aperçois plus le peloton. Un seul coureur revient sur nous, c’est encore Zouhair. Quelques kilomètres plus loin, la direction de course nous demande de faire demi-tour. On nous explique que l’étape est neutralisée suite à une énorme chute qui a mis à terre une bonne partie du peloton. Quatre coureurs de chez nous sont tombés, dont Eddy, très touché souffrant de l’épaule et présentant une grosse plaie au tibia. Nous craignons même une fracture. Jean-Philippe souffre de la main.
Les premiers soins sont portés dans un hôpital local. Eddy a vraiment besoin de diagnostics approfondis. Après discussion entre nous, nous annonçons aux organisateurs que nous devons quitter la course pour rentrer sur Saint-Louis où Eddy sera mieux pris en charge.
Jeudi 14 décembre. Privé de notre véhicule de course, nous sommes huit avec nos vélos et nos valises et nous devons rentrer sur Dakar. Décision est prise de louer un fourgon et quatre coureurs prendront la route le lendemain à vélo pour une sortie d’entrainement de… 270 km.
« Macoumba Sarr, athlète handisport et cycliste en handbike, nous invite à séjourner chez lui en attendant notre vol ».
Vendredi 15 décembre. Départ à 7h30. Même si le thermomètre affiche 30°, le plus dur n’est pas la chaleur, mais le sable du désert qui nous pique la gorge. Nous arrivons à Dakar en fin d’après-midi après 8h20 de selle. Je n’avais pas prévu une telle sortie d’endurance dans mon programme d’entrainement, surtout un mois de décembre, mais après notre abandon, ce n’est pas plus mal. J’aurais quand même fait des bornes dans la semaine.
Reste à trouver un hébergement. Suite à notre retrait de la course, nous devons passer deux jours et deux nuits à Dakar avant notre vol de retour en France, prévu le lundi. Les réseaux militaires vont nous servir. Macoumba Sarr, un ancien de la Légion étrangère, qui a perdu l’usage de ses jambes dans un accident, aujourd’hui athlète handisport et cycliste handbike, d’une gentillesse et d’une simplicité incroyables, nous invite à séjourner chez lui en attendant notre vol.
Ce séjour africain restera gravé à jamais dans ma mémoire. Les points positifs : le fait de m’être fait des potes en quelques minutes dans cette sélection France Défense, malgré les écarts d’âge, alors que nous n’avions jamais eu l’occasion de nous rencontrer avant la course ! Je retiens aussi, bien évidemment, l’hospitalité africaine en général et celle de Macoumba en particulier, la gentillesse de la population sans oublier les émouvants débuts du cyclisme féminin sénégalais. Quant au moins bien, La chute et l’état d’Eddy, préoccupant. Notre retrait de la course, même si nous avions le niveau pour la gagner, ne revêt que peu d’importance.
« Que les supporters d’Eddy Le Roux se rassurent, il a été opéré de l’épaule à l’hôpital de Brest ».
Retour en Finistère le mardi 19 décembre. Mon programme prévoit une récupération de deux jours sans vélo. Je passe Noël en famille. Ensuite, direction la région niçoise où je suis hébergé chez des copains pour rouler une dizaine de jours.
Encore un mot, que les supporters d’Eddy Le Roux se rassurent. Il a été opéré de l’épaule à l’hôpital de Brest. Sa plaie au tibia a également bénéficié de nouveaux soins. Il doit désormais s’armer de patience avant de remonter sur son vélo. Quant à la course, elle a été gagnée par Zouhair Rahil, devant le Français Stéphane Roger, un habitué des courses africaines, vainqueur du Tour du Sénégal en 2009.
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