La plupart des grandes régions de France ont leur « Tour » cycliste pour les coureurs professionnels, à la paradoxale exception de la Bretagne, qui demeure la meilleure terre de vélo dans ce pays. Le Tour de Bretagne, en classe 2 au calendrier de l’Union cycliste internationale, accueille des pros mais de troisième rang (membres d’équipes continentales) et des amateurs, comme le vainqueur de la quatrième étape à Perros-Guirec, le Belge Sander Armee, qui travaille à mi-temps comme agent immobilier à Louvain.
Les appels du pied ne manquent pas, auprès de Christophe Fossani, pour qu’il demande à l’UCI la promotion du Tour de Bretagne, qui serait vraisemblablement acceptée compte tenu de la parfaite sécurité assurée sur l’épreuve et de la qualité générale de l’organisation, unanimement reconnue dans le monde du cyclisme. Bien sûr, le promoteur d’une manifestation est naturellement enclin à faire progresser son événement et à augmenter son impact médiatique.
Et de fait, la participation de La Française des Jeux, Bbox ou Ag2r l’an prochain au Tour de Bretagne, ce n’est pas une vue de l’esprit. La possibilité est réelle. Mais la Bretagne traine les pieds. Pourquoi ? Parce que les pros ne semblent pas disposés à adopter les spécificités locales. Ils voudraient moins de jours de course pour le Tour de Bretagne, quatre au lieu de sept – comment dès lors visiter cinq départements ? Ils souhaiteraient aussi que le Tour de Bretagne change de date pour cause d’engorgement au calendrier professionnel à ce moment crucial du 1er mai qui demeure symbolique pour les travailleurs bretons.
Les pros tenteraient également d’imposer des compositions d’équipes de huit coureurs au lieu de six comme c’est le cas actuellement. Or, la difficulté à défendre un maillot de leader à six hommes fait tout le charme et le sel du Tour de Bretagne dont l’organisation s’enorgueillit d’accueillir 22 équipes d’horizons aussi divers que le Japon, la Russie, les Etats-Unis, etc. A 15 équipes de huit, la course paraîtrait plus fade, d’autant que les grands groupes sportifs professionnels sont coutumiers des compositions incomplètes au départ. En dehors des équipes françaises, dont la participation serait obligatoire selon des accords de la ligue nationale, il n’y aurait aucune garantie de pouvoir attirer la Caisse d’Epargne, Quick Step, Astana et les stars du Tour de France, mais plus aucune possibilité d’engager Côtes d’Armor-Maître Jacques, BIC 2000 et le Team U Nantes-Atlantique.
Les pros, c’est clinquant, enfin, surtout leur bus dont ils sortent à peine pour saluer le public, dorénavant, mais sur la route du Tour de Bretagne, quel cyclisme pratiqueraient-ils ? Pas sûr qu’ils soient disposés à se faire la guerre comme les concurrents en lice depuis samedi. Dans la configuration actuelle, aux défaites succèdent des revanches. Surtout, les pros courent en fonction de stratégies pré-établies et de schémas de course qui correspondent à une hiérarchie figée. Un ancien coureur du Tour de France a trouvé dimanche « inadmissible » que les Rabobank ne prennent pas leurs responsabilités derrière l’échappée de Julien Fouchard. Mais c’est justement ce qui fait du Tour de Bretagne une course infiniment plus passionnante que la plupart des « Tours » pros des autres régions.
Monter de catégorie pour diminuer le spectacle ? C’est une option de jeu mais elle comporte des risques. A moins que le secteur professionnel ne se décide à goûter enfin aux bonnes recettes de Bretagne…
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